Monsieur le Premier Ministre,
Ce vendredi 1er mars, vous comptez bien présider un conseil interministériel pour statuer sur la condition de la femme au Sénégal. Une belle occasion pour nous d’attirer votre attention sur des situations qui mettent en danger le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant tant prôné par la constitution et toutes les conventions et chartes ratifiées par notre pays.
Monsieur le premier ministre, nous, collectif Autorité Parentale partagée : sunu yité, nous adressons à vous aujourd’hui avec une préoccupation urgente concernant les lacunes évidentes dans l’autorité parentale telle qu’elle est réglementée par le Code de la Famille au Sénégal.
Ce collectif est né, pour donner suite à une simple publication sur Facebook qui, en moins de deux heures, a enregistré plus de 300 réactions. Cet intérêt remarqué nous a permis de pousser le débat pour nous rendre compte qu’en réalité, des milliers de femmes souffrent en silence de l’autorité parentale. Nous avons alors jugé nécessaire de nous organiser pour participer à la satisfaction de cette demande populaire.
Monsieur le premier ministre, en tant que citoyens soucieux du bien-être des familles sénégalaises, nous nous sentons obligés de soulever ces préoccupations cruciales qui affectent la stabilité et le développement harmonieux de la famille et rendant plus vulnérables les enfants.
Tout d’abord, il est impératif de reconnaître que malgré les progrès réalisés dans divers domaines, le Code de la Famille actuel présente des lacunes importantes en ce qui concerne la protection des droits et des intérêts des enfants et des parents. Parmi ces lacunes, on peut citer:
- L’article 277 qui stipule dans son premier alinéa que « la puissance paternelle sur les enfants légitimes appartient conjointement au père et à la mère. Et dans l’alinéa 2, il dispose que « durant le mariage, elle est exercée par le père en qualité de chef de famille. »
- L’article 278, du code dit qu’en cas de divorce ou de séparation de corps, « le gardien de l’enfant exerce les différents droits attachés à la puissance paternelle sur la personne et sur les biens de l’enfant ». Mais pour avoir un passeport, ouvrir un compte bancaire, voyager avec son enfant, on demande encore à la femme divorcée même avec la garde son enfant de fourniture une autorisation du père.
- Un manque de clarté et de cohérence: Le code actuel manque de clarté et de cohérence dans ses dispositions relatives à l’autorité parentale, ce qui entraîne souvent des interprétations contradictoires et des litiges prolongés.
- Une absence de mécanismes de protection efficaces: Les dispositions actuelles ne fournissent pas de mécanismes de protection adéquats pour les enfants en cas de négligence, d’abus ou de conflits familiaux, ce qui laisse ces enfants particulièrement vulnérables et sans recours légal approprié.
- Un non-respect des droits fondamentaux: Certaines dispositions du Code de la Famille peuvent être en contradiction avec les droits fondamentaux des enfants et des parents, tels que le droit à une vie familiale équilibrée et le droit à une protection contre toutes formes de violence. Le plus inquiétant parmi celles-ci demeure le fait que seul le père détienne la capacité juridique de donner l’autorisation de son enfant à voyager.
Monsieur le premier ministre, selon le présent code de la famille au Sénégal, seul un homme peut être reconnu comme chef de famille, décidant de quasiment tout.
- De l’endroit où vit la famille,
- à comment ou quand établir des documents administratifs à ses enfants,
- il est le chef suprême de la famille,
- il a le choix de ne pas reconnaitre ses enfants
- la recherche de paternité est interdite à la femme.
Mais tout ceci peut marcher si et seulement si ce père comprend son rôle et s’en acquitte. Dans le mariage, il arrive trop souvent que ce père à qui est assigné tous ces droits, se départisse de ses devoirs en abandonnant sa famille, laissant les enfants et leur mère à la merci d’une société si complexe. En cas de rupture du mariage, des pères qui ont ces droits, oublient qu’ils ont eu des enfants dans le mariage et disparaissent souvent de la vie de ces derniers à qui ont pourtant encore des devoirs. Dans toutes ces situations, la mère est obligée de combler le vide et de jouer le rôle de père. Alors comment y parviendra-t-elle si la loi ne lui donne même pas l’opportunité d’exercer pleinement l’autorité parentale sur ses enfants ? Tiendra-t-elle le coup si elle est entrainée dans des procédures qui ne finissent jamais ?
Au vu de ces nombreuses difficultés que vivent aujourd’hui les femmes avec leurs enfants, nous considérons que l’application de ses dispositions pose un problème et doivent être revues.
Ainsi, nous nous en remettons à vous monsieur le premier ministre ainsi qu’à votre gouvernement pour que la question de l’autorité parentale partagée fasse partie des points que vous aborderez dans ce conseil.
Nous vous exhortons, Monsieur le Premier Ministre, ainsi que votre gouvernement, à prendre des mesures immédiates pour remédier à ces lacunes et garantir une protection efficace des droits et des intérêts des enfants et des parents au Sénégal.
Cela pourrait inclure: une révision approfondie et une mise à jour du Code de la Famille pour garantir sa conformité avec les normes nationales et internationales en matière de protection de l’enfance et des droits de l’homme.
Un renforcement des mécanismes de protection des enfants et des parents, y compris la mise en place de services de médiation familiale et de soutien psychosocial.
Une sensibilisation accrue et une éducation du public sur les droits et les responsabilités des parents, ainsi que sur les recours disponibles en cas de violation de ces droits.
En prenant des mesures décisives pour résoudre ces problèmes, vous contribuerez, monsieur le premier ministre, à créer un environnement familial plus sûr, plus sain et plus épanouissant pour tous les citoyens sénégalais. Ainsi, vous pourrez être fier d’avoir pris les mesures qu’il faut pour préserver l’intérêt supérieur de tous les enfants du Sénégal.
Nous vous remercions de l’attention particulière que vous voudrez bien accorder à notre cri de cœur et espérons que vous prendrez des mesures promptes et efficaces pour y remédier.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.
Le Collectif Autorité Parentale Partagée : Sunu yité
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